Les blessures invisibles de l’émigration clandestine

[Dossier] “Le Soleil”, Sénégal, 26/10/2023

Éviter qu’un tiers de la jeunesse mondiale, à 14 km de l’Europe, ne soit au chômage d’ici 2044 et risque sa vie dans l’émigration clandestine

 Des milliers de partenariats de PME industrielles africaines avec leurs homologues européens

Le dossier “Les blessures invisibles de l’émigration clandestine” (Le Soleil, 26/10/2023) secoue non seulement le Sénégal et l’Afrique mais aussi le citoyen européen. Trois décennies, plus d’une trentaine de programmes européens et des milliards d’euros de coopération au développement n’ont pas empêché qu’en 2023 au Sénégal “des vagues de départs de plusieurs centaines de migrants à bord d’embarcations de fortune sont notées avec leur lot de morts”. L’Europe est-elle capable d’éviter que dans deux décennies deux milliards de jeunes, à 14 km de l’Europe, ne se retrouvent au chômage et ne prennent le risque d’une émigration clandestine à la recherche d’un avenir décent en Europe? Une Europe qui en 2050 n’hébergera que 7% de la population mondiale (l’Afrique 25%)


Plus de 1.300 migrants africains sont arrivés sur les côtes des îles Canaries le week-end du 21 octobre

Les services de secours espagnols ont noté une embarcation qui transportait un nombre record de 321 personnes. Au total, 1.325 migrants, soit 90 de plus par rapport à un bilan précédent, ont atteint les îles dans différentes embarcations précaires entre la nuit de vendredi à samedi et la matinée de dimanche, dans un contexte de hausse des arrivées de ces dernières semaines. Les migrants arrivés viennent d’Afrique subsaharienne. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur espagnol, l’archipel a reçu 23.537 migrants entre le 1er janvier et le 15 octobre, soit près de 80% de plus que sur la même période l’année dernière.(Le Soleil, 23/10/2023)

Emigration irrégulière: 4471 migrants secourus par la Marine sénégalaise en octobre 2023

La Marine nationale sénégalaise informe avoir intercepté au moins une trentaine de pirogues qui voulaient rallier les îles Canaries.

Elle a secouru au moins 4471 migrants ce mois-ci.

Ils sont originaires principalement du Sénégal, de la Gambie, de République de Guinée et du Mali et ont été débarqués à la Base navale Amiral Faye Gassama durant le mois d’octobre 2023. (Le Soleil, 30/10/2023)


10 millions d’emplois décents par an

Dans la lignée du rapport de Salla GUEYE et Ndèye Fatou Diéry DIAGNE, des réflexions sur l’accélération de la création, année après année, de 10 millions d’emplois décents en Afrique. Ceci grâce à la réalisation de milliers de partenariats gagnant-gagnant de PME industrielles africaines avec leurs homologues européens et à l’industrialisation manufacturière moderne de l’Afrique qui s’ensuit. Une industrialisation réalisable et abordable facilitée par le dividende démographique instruite de l’Afrique et son abondance d’énergies renouvelables. Une industrialisation moderne qui empêche des milliers de jeunes Africains de risquer leur vie à bord d’embarcations de fortune à la recherche d’une vie meilleure en Europe.

Des réflexions: un résumé

  • La cause profonde de la migration irrégulière et son remède. Seule l’industrialisation manufacturière de pointe de l’Afrique est capable d’y créer chaque année des dizaines de milliers d’emplois formels et d’éviter les migrations forcées. Dès la mise en place du premier pilier de la lutte contre la migration irrégulière “la prévention” (la création d’emplois), l’émigration sera réduite à une migration légale et normale. Plus besoin de programmes coûteux d’autres piliers.
  • Résultats mitigés des projets et programmes anti-migratoires actuels. L’accent mis sur le financement, sur une multitude de programmes anti-migratoires détourne l’attention de ce qui compte vraiment: “La création de milliers de partenariats gagnant-gagnant des PME industrielles africaines à l’international et la création de millions d’emplois décents qui en suivent”
  • Ce qui compte vraiment. Le changement des mentalités du grand public (citoyens et entrepreneurs)! En Europe les politiques doivent éliminer la croyance profondément enracinée selon laquelle l’Afrique ne serait pas prête pour une industrialisation moderne. En Afrique les politiques doivent rendre conscient des milliers de PME pourquoi et comment réussir des partenariats gagnant-gagnant à l’international.
  • L’industrialisation de l’Afrique. Les atouts de l’Afrique. Son dividende démographique instruit et motivé pour réussir, ses abondantes énergies renouvelables (37% de la capacité mondiale de production d’hydrogène vert), ses matières premières climato-stratégiques, ses démocraties émergeantes, son plus grand marché de libre-échange au monde 
  • Lindustrialisation de l’Afrique en quatre phases:
  1. Le changement guidé des mentalités “grand public” (en Europe et en Afrique) ;
  2.  Plusieurs des centaines de PME industrielles “bien établies” africaines (ne pas des start-up) prennent l’initiative de solliciter des partenariats avec des homologues européens ;
  3.  Le développement de nouveaux produits fabriqués en Afrique ;
  4.  Les investissements directs étrangers par les  géants multinationaux.
  • Lindustrialisation inclusive, durable, résiliente de l’Afrique évite que d’ici 2044 un tiers de la jeunesse mondiale, à 14 km de l’Europe, risque sa vie dans l’émigration clandestine.

Des réflexions: plus de détails

La cause profonde de la migration irrégulière et son remède

La stratégie nationale sénégalaise de lutte contre la migration irrégulière repose sur cinq piliers : “la prévention, la gestion des frontières, la répression des trafiquants, l’assistance des migrants et leur réinsertion”

  • La cause profonde. L’asymétrie de prospérité entre voisins africains et européens est le véritable moteur d’un nombre important de jeunes sénégalais à la recherche de plus de perspectives. Limiter le flux de migrants vers l’Europe par le biais de “clôtures et des refoulements” ou “éradiquer les passeurs” n’élimine pas la cause profonde des inégalités. Dès la mise en place du premier pilier “prévention” (la création d’emplois décents pour les 130 000 jeunes qui entrent chaque année sur le marché du travail au Sénégal), l’émigration clandestine sera réduite à une migration légale, normale, gérable, vérifiable... et même souhaitable. Plus besoin de programmes coûteux des quatre autres piliers.
  • Le remède. Seule la transformation locale des matières premières africaines en produits compétitifs, c’est-à-dire l’industrialisation manufacturière de pointe, la participation des entreprises africaines aux chaînes de valeur industrielles internationales et les services associés sont capables de créer chaque année des millions d’emplois formels et d’éviter les migrations forcées.

Résulats mitigés des projets et programmes anti-migratoires

  • L’appui au développement de l’entrepreneuriat chez les jeunes. La lauréate du prix Nobel 2020 Esther Duflo a déclaré à ce sujet lors d’un webinaire de la Banque africaine de développement (13/12/2021) : ‘Nous nous berçons d’illusions si nous pensons que les petites entreprises peuvent ouvrir la voie à une sortie massive de la pauvreté’.  D’autre part, un grand nombre de partenariats entre PME industrielles africaines établies et des homologues internationaux génèrent une classe moyenne importante et un pouvoir d’achat pour alimenter des micro-entrepreneurs (chaînes de valeur industrielles en amont et en aval).
  • Le savoir-faire de la gestion complexe d’une entreprise moderne, ouverte à l’hyper-concurrence internationale, ne s’apprend que dans la pratique des partenariats/chaînes de valeur internationales (normes, standards, RH, qualité, tarification, innovation, internationalisation, financement, digitalisation, partenariats, ventes, marketing,...). Cette compétence ne s’acquiert pas à l’université, ni par l’accompagnement temporaire d’experts, ni dans les pépinières d’entreprises.
  • “L’octroi de financement pour initier des activités économiques génératrices de revenus” & “L’abondance des programmes et des fonds” (sensibilisation aux dangers de l’émigration irrégulière, promotion de la réussite en Afrique, surveillance des côtes africaines, Frontex, verrouillage électronique du détroit, projets agricoles menés par la diaspora et les associations de migrants, création d’entreprises par des femmes migrantes, etc.). L’accent mis sur le financement et sur tous ces programmes et les coûts associés détourne l’attention de ce qui compte vraiment : “La création massive de partenariats gagnant-gagnant des PME industrielles africaines à l’international et la création de millions d’emplois décents qui en suivent
  • Les quelques “histoires à succès” ne sont que des arbres qui cachent la forêt de l’asymétrie croissante de prospérité au cours des trois dernières décennies entre les voisins africains non industrialisés et les voisins eur opéens industrialisés.

Ce qui compte vraiment

  • En Europe. Sous le thème “L’Afrique n’est pas celle que vous croyez”, les politiques doivent, par un changement guidé des mentalités du grand public (citoyens et entrepreneurs), éliminer la croyance profondément enracinée selon laquelle l’Afrique ne serait pas prête pour une industrialisation moderne. Ainsi les gouvernements et le grand public encourageront des industriels européens, qui maitrisent le savoir-faire industriel et disposent des moyens pour investir, à rechercher massivement des partenariats “gagnant-gagnant” avec des homologues africains.
  • En Afrique. Une masse critique de PME industrielles sénégalaises, de tous les secteurs économiques, a besoin d’internaliser le savoir-faire pour opérer “gagnant-gagnant” dans les partenariats multidimensionnels complexes des chaînes de valeur industrielles internationales. Sous le thème “Entrepreneur sénégalais osez partager votre rêve avec des partenaires industriels à l’international”, les politiques doivent, à travers une prise de conscience guidée de milliers de PME sénégalaises pourquoi et comment réussir des partenariats gagnant-gagnant à l’international, donner envie à 5% de l’ensemble des PME de prendre l’initiative de rechercher un partenariat avec un homologue international.

L'industrialisation de l'Afrique - Ses atouts

SON DIVIDENDE DEMOGRAPHIQUE INSTRUIT ET SA MOTIVATION POUR REUSSIR

  • Afrique 2035: même nombre de personnes hautement instruites, dans la force de l’âge, que la Chine
  • Afrique 2050: 25% population mondiale; 33% de la jeunesse mondiale ; (Europe 2050: 7% population mondiale)
  • Afrique 2044: 1,5 milliards de jeunes, à 14km de l’Europe, en quête d’une vie meilleure en Europe ?

SES ABONDANTES ENERGIES RENOUVELABLES

  • 35% de la capacité mondiale de production d’hydrogène vert (2 €/kg); (GRAND INGA - RDC = 42 réacteurs électronucléaires);
  • 55% de la capacité mondiale de production d’électricité solaire;
  • sa biodiversité: RDC 2ième poumon vert du monde (ses forêts pluviales);
  • ses matières premières “climato-stratégiques” (cobalt, coltan, lithium,  cuivre, bauxite, …)
  • ses 60 % des terres arables du monde.

SA ZONE DE LIBRE-ECHANGE CONTINENTALE AFRICAINE (ZLECAf):  le plus grand marché de libre-échange au monde (en gestation)

SES DEMOCRATIES EMERGEANTES

  • The Economist Democracy Index 2022 Sub-Sahara Africa (Ranking Feb 1th 2023): Mauritius; 2. Botswana; 3. Cabo Verde; 4. South Africa; 5. Namibia; 6. Ghana; 7. Lesotho; 8. Malawi; 9. Madagascar; 10. Senegal;  11. Zambia; 12. Liberia; 13. Tanzania; 14. Kenya; 15. Sierra Leone; 16. Uganda; 17. The Gambia; 18. Côte d’Ivoire; 19. Benin; 20. Nigeria  

L’industrialisation de l'Afrique en quatre phases

L’OPPORTUNITÉ. Le climat, les tensions géopolitiques, l’énergie, la saturation du marché EU et la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) sont des incitants pour les PME industrielles africaines et européennes de forger des partenariats d’intérêt mutuel.

Phase 1. Le changement guidé des mentalités “grand public”

  • Aussi bien en Afrique qu’en Europe. Thème en Afrique: “Entrepreneur osez partager votre rêve avec un partenaire à l’international”. Thème en Europe: “L’Afrique n’est pas celle que vous croyez” (Organiser des soirées-débats dans les Hôtels de ville ?)

Phase 2. Plusieurs dizaines (des centaines) de PME industrielles “bien établies” sénégalaises (ne pas des start-up) prennent l’initiative de solliciter des partenariats avec des homologues européens. 

  • Via le Web la PME africaine recherche un homologue européen. Ils font connaissance dans le virtuel mais dès qu’il sentent un intérêt mutuel ils investissent dans un billet d’avion afin de visiter physiquement leurs ateliers et clients respectifs.
  • L’antenne commerciale. Lors des deux premières années de partenariat le partenaire africain agit comme agent commercial du matériel de l’homologue européen (vente, installation, maintenance). Il rajoute son savoir du marché, commercial, administratif et culturel africain au partenariat. Le partenaire européen forme, en Europe, le partenaire africain ou ses cadres afin d’assurer la vente, l’installation, la maintenance et la bonne utilisation des produits et services exportés. Cette phase « antenne commerciale » représente déjà un premier transfert de processus industriels et technologies avancés, sans aucun risque, indépendamment de la nature des institutions locales et moyennant un financement très limité.
  • Grâce au partenariat la PMI africaine s’internalise le “métier” de l’entrepreneuriat industriel dans une économie hyperconcurrentielle mondialisée.

Phase 3. Le développement de nouveaux produits fabriqués en Afrique, anticipant aux nouveaux besoins de “La Zone de libre-échange continentale Africaine ZLECAf

  • Après que la confiance entre les deux partenaires a pris une forme définitive pendant la phase “antenne commerciale” les deux partenaires décident d’investir ensemble dans des nouveaux produits et services, basés sur les besoins du plus important marché de libre-échange mondial  ZLECAf et sur des technologies et processus industrielles les plus avancés.

point 3 suite

 

  • Cet important projet soumis au monde financier par deux partenaires bien établis devient un projet “bancable”.
  • Leur exemple suscite des centaines de PMI à suivre leur exemple et donne lieu à la création de centaines de milliers d’emplois dans les industries agro-alimentaires, manufacturières et services tous secteurs économiques confondus.
  • Une importante classe moyenne, instruite, réalise de l’intérieur la gouvernance et crée une masse critique d’un pouvoir d’achat qui attire aussi les investisseurs directs étrangers.

Phase 4. Les investissements directs étrangers par les flagships internationaux

  • La ZLECAf et plusieurs centaines de partenariats PMI UA-UE qui créent une classe moyenne avec un pouvoir d’achat important et des institutions stables, attirent l’intérêt des grands investisseurs directs étrangers du type
  • Chaque Flagship individuel crée des centaines, des milliers d'emplois directs et en amont/aval des chaînes de valeur et services associés.
  • Ces flagships, attirés par un accès direct à un nouveau grand marché émergent, ne cherchent pas nécessairement le fameux “race to the bottom” des salaires.
  • Ils ont l’expérience des processus et technologies les plus avancées qui permettent de transformer localement les matières premières en produits compétitifs sur les marchés locaux et internationaux.
  • Ils feront la sélection des partenaires maillons complémentaires best in class de leur chaine de valeur.
  • Dans leur chaine de valeur les partenaires “maillons” apprennent “le métier” de l’entrepreneuriat moderne ouverte à la concurrence internationale. Idem pour les partenariats industriels PME UA-UE.
  • Rapidement autour de ces navires phares voient le jour des entreprises “pirogues” agiles (des TPME et des PME) grâce aux concepts et aux technologies repris du grand voisin.

Résultat des quatres phases de l'industrialisation moderne agroalimentaire et manufacturière de l'Afrique

  • Un écosystème initié et inspiré par des entreprises établies, PMI et FDI-flagships est capable de créer annuellement 10 millions de nouveaux emplois dans le formel; un nombre de nouveaux emplois de qualité plus élevé que l'augmentation démographique de l’Afrique.
  • Les partenariats de PMI établis et les flagships ont accès aux ressources et moyens pour investir à grande échelle dans l’agro-industrie, industries alimentaires, manufacturières et services - digitaux? - associés. Sans eux pas moyen de forcer une percée décisive dans la création de nombreux emplois de qualité, y compris pour des hommes et femmes non qualifiés. En outre, ils font appel à l’énergie hydro-solaire respectueuse de l'environnement et agissent comme une école de gestion pour les PME locales.
  • En même temps elles stimulent l’importante élite financière africaine de suivre leur exemple et d’investir dans une économie productive en remplaçant leurs investissements dans le commerce et l’immobilier résidentiel porteurs de peu d’emplois durables de qualité.

 

  • Elles sont des accélérateurs d’un écosystème qui stimule la sérendipité (trouver quelque chose d’utile qu’on ne cherche pas) et l’émergence de nouveaux secteurs ‘innovants’ non-prévus mais porteurs de milliers de nouveaux emplois de qualité.

CONCLUSION: l’industrialisation inclusive, durable, résiliente de l’Afrique évite que d’ici 2044 un tiers de la jeunesse mondiale, a 14 km de l’Europe, risque sa vie dans l’émigration clandestine

  • La dé-globalisation de la production combinée avec la globalisation du savoir-faire industriel, la transformation locale des matières premières, la chaine courte de valeurs et les énergies renouvelables africaines réconcilient le progrès social et économique africain, préviennent l’émigration clandestine, les apocalypses climatiques et pandémiques, évitent des irruptions des approvisionnements, et … relancent l’économie européenne(!)
  • La toute première action à entreprendre: le  changement des mentalités, certainement en Europe, mais aussi en Afrique. 

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